Les magasins de sport en Suisse contraints de se spécialiser toujours plus (par Olivier PETITJEAN, AWP)
Les magasins de sport en Suisse contraints de se spécialiser toujours plus (par Olivier PETITJEAN, AWP)
Après un recul de plus de 20% les six années précédentes, le chiffre d’affaires des magasins de sports en Suisse a enfin rebondi l’an dernier avec une hausse de 3% à 1,8 milliard de francs. Mais la branche reste sous haute pression: le nombre d’enseignes se réduit, de nombreux commerçants ne retrouvent pas de repreneurs et la concurrence étrangère se renforce. Pour s’en sortir, il faut se spécialiser toujours plus.
„Dans notre branche, ce ne sont pas les gros qui bouffent les petits, mais les rapides qui éliminent les lents“, explique à AWP François Cruchon, président de la section Vaud-Fribourg de l’Association suisse des magasins d’articles de sport (ASMAS).
„Les collections se renouvellent toujours plus vite, à un rythme de quatre par an pour les chaussures de sport par exemple. Autrefois, un modèle tenait deux à trois ans. Il faut donc se montrer très réactif tout en ayant un stock assez important pour fidéliser le client“, précise l’exploitant des magasins François Sports.
Les hivers cléments, le tourisme d’achat stimulé par l’affaiblissement de l’euro en 2015 et les commandes directes par internet ont mis les nerfs des commerçants suisses à rude épreuve. Après l’âge d’or des années 1990, cela les contraint à une adaptation parfois brutale, à l’image des agences de voyages.
Aujourd’hui, les ventes d’articles de sport (hors vélo) n’ont pas tout à fait retrouvé le niveau de l’an 2000, une évolution qui contraste avec celle de l’ensemble du commerce de détail. L’arrivée du groupe français Decathlon sur le marché suisse est de nature à encore faire baisser les prix, donc à accroître la pression.
Mais le président de l’ASMAS, Peter Bruggmann, se montre serein: „L’entrée de Decathlon n’a pas que des inconvénients. La pratique du sport reste très intensive en Suisse. Avec Decathlon, les clients qui commencent un sport vont profiter de prix bas pour leurs premières acquisitions. Mais ensuite, une fois aguerris, ils chercheront un meilleur modèle, plus adapté, et c’est là que nous magasins se positionnent.“
Fini, ou presque, l’époque des petits magasins omnisports. Ce créneau est laissé aux groupes comme Ochsner, SportXX (enseigne de Migros) ou aux acteurs internationaux en-ligne.
„Pour survivre, il faut se spécialiser, développer des niches, miser sur la qualité. Nous assistons à un développement des points de vente consacrés à un seul secteur, comme l’escalade, le tennis, le golf, le football ou l’outdoor (activités en nature), avec du personnel très spécialisé“, précise Peter Bruggmann.
Si, globalement, le nombre de boutiques diminue (l’ASMAS a perdu 9% de ses membres ces quatre dernières années), le nombre d’employés reste stable. Quelque 1’200 à 1’400 apprentis sont en formation bon an mal an à l’association, pour un total d’environ 8’000 emplois dans le secteur des articles de sport.
„Le marché se durcit, mais ceux qui s’en sortent deviennent plus forts“, prolonge François Cruchon. „Les médias se gargarisent des taux de croissance à deux chiffres des sites de vente en ligne, mais cela ne signifie pas grand-chose quand on part de zéro ou presque“, estime-t-il. La part de marché du secteur internet tourne autour des 15% en Suisse.
Dans le même temps, le pays, avec sa population de sportifs, reste un marché très attractif pour la branche. „Il y a de la place pour tout le monde“, estime Peter Bruggmann. „Zalando par exemple (le site allemand de vente de chaussures et de vêtements en-ligne) réalise 24% de ses ventes en Suisse, alors que le pays ne représente que 8% de son marché.“
„Pour nous, les ventes par internet équivalent à nous tirer une balle dans le pied. Contrairement aux commerces français notamment, nous misons sur les conseils en magasin, la valeur ajoutée et des partenariats avec des médecins ou des podologues“, relève le Genevois Pierre Morath, propriétaire de New Concept Sports. Son enseigne s’est spécialisée dans la course à pied. Une manière d’échapper aux aléas du secteur, très dépendant des sports d’hiver, et donc de la météo.